Intelligence Artificielle et Architecture de Sécurité Internationale

L’essor de l’intelligence artificielle (IA) recompose les architectures de sécurité internationales et remet en question l’ordre libéral tel qu’il s’est consolidé depuis 1945. Traditionnellement fondé sur des principes d’interdépendance, de multilatéralisme et de diffusion normative, cet ordre est aujourd’hui fragmenté sous l’effet de transformations technologiques qui redéfinissent les rapports de force globaux et accentuent la polarisation des modèles de gouvernance. Cette recherche examine comment l’IA accélère la fragmentation de l’architecture de sécurité internationale. L’article s’articule autour de deux axes : le premier analyse l’érosion des normes libérales sous l’effet de l’IA, qui modifie les doctrines stratégiques et renforce les clivages entre modèles de gouvernance. Il met en lumière les dynamiques de fragmentation en explorant les transformations des cadres normatifs internationaux, l’influence croissante des acteurs privés dans la gouvernance sécuritaire et les nouvelles asymétries technologiques qui exacerbent la rivalité entre puissances. Le second axe s’intéresse aux réponses institutionnelles et nationales face à ces transformations, en prenant pour exemples l’Organisation des États Américains (OEA) et la Colombie. Il étudie la manière dont ces acteurs régionaux et intermédiaires naviguent entre dépendance technologique, intégration normative et recherche d’une souveraineté stratégique face à la montée en puissance des standards imposés par les grandes puissances et les entreprises transnationales du numérique. Cette contribution s’inscrit dans le champ d'étude des Relations internationales et de la sécurité internationale, en mobilisant les travaux de John Ikenberry sur l’ordre libéral, ceux de John Mearsheimer sur la contestation de cet ordre, ainsi que les analyses de Oliver Richmond sur les architectures de paix et d'Amitav Acharya sur le "monde multiplex". L’étude repose sur une analyse qualitative combinant l’examen des cadres normatifs existants, l’évaluation des politiques de cybersécurité et de gouvernance de l’IA, ainsi qu’une mise en perspective des réponses régionales et nationales face à ces enjeux. Elle met en perspective les mutations contemporaines de l’ordre international et les dynamiques de rivalité qu’elles engendrent, en insistant sur les stratégies des institutions régionales et des États intermédiaires dans le processus de redéfinition des architectures sécuritaires. Elle explicite les défis posés par la coexistence de systèmes de gouvernance concurrentiels et souligne l’influence croissante des acteurs privés dans l’évolution des dynamiques sécuritaires liées à l’IA. Cette étude apporte un éclairage original en analysant l’IA comme moteur de fragmentation des architectures sécuritaires, en mettant en lumière les stratégies d’adaptation des États intermédiaires et des institutions régionales, une perspective encore peu explorée dans les travaux récents sur la gouvernance de l’IA et la sécurité internationale.