Dans le cadre de cette conférence, nous nous intéresserons à l’idéologie libérale, non pas sur son versant économique, mais plutôt sur son versant philosophique. Plus précisément, nous étudierons le libéralisme par le biais des valeurs qu’il sous-tend (autonomie, unicité, libre-arbitre, hédonisme, Codou et al., 2011) et des processus psychologiques qu’il engendre (e.g., décisions compétitives, tolérance aux inégalités, réduction des actions collectives, Jost, 2020).
Si les débats autour de la définition du concept de liberté ont intéressé de nombreux philosophes depuis des siècles (e.g., Spinoza, 1677/2005 ; Kant, 1787/2006) la question de leurs conséquences psychologiques intéresse les psychologues sociaux depuis relativement peu de temps (Kiesler & Sakumura, 1966). Nous allons nous focaliser sur celles-ci en évoquant des travaux récents en psychologie sociale. En effet, les valeurs libérales sont souvent mises en avant dans le champ éducatif (Baer, Kaufman, & Baumeister, 2008). Le présupposé de départ est que ces valeurs ont forcément des conséquences positives et par conséquent doivent accompagner les pratiques éducatives (Beauvois, 1994). Toutefois, l’imprégnation quotidienne aux valeurs libérales est caractérisée par une hyper-valorisation de la liberté individuelle et de la responsabilité personnelle (Testé, 2012). Cette dernière engendre une plus grande adhésion aux mythes méritocratiques tels que « dans la vie on a ce que l’on mérite et on mérite ce que l’on a » (Jost, 2020). La diffusion de ces mythes présente plusieurs problèmes que nous aborderons.
Pour ce faire, nous nous appuierons sur un extrait de film, des interactions avec l’auditoire et la présentation de trois études sur les valeurs libérales afin de démontrer que leur valorisation peut entrainer une augmentation des décisions compétitives, une plus grande tolérance aux inégalités et une volonté réduite de s’engager collectivement. Autrement dit, nous mettrons en évidence un paradoxe : les valeurs libérales qui célèbrent la toute-puissance des « individus » restreignent leur pouvoir social (Beauvois, 2005 ; Tocqueville, 1835). Nous proposerons des pistes pour éviter ces écueils.